MAXIME DU CAMP (1822-1894)
Un immortel à Montreuil-le-Chétif
Source: Wikipedia, Souvenirs littéraires (tomes 1 & 2) Maxime Du Camp
La
fortune
de
son
père,
chirurgien
parisien
mort
treize
mois
après
la
naissance
de
son
fils,
permet
à
Maxime
du
Camp,
devenu
jeune
rentier
après
ses
études,
de
satisfaire
son
goût
prononcé
pour
les
voyages
et
la
littérature.
Il
visite
l'Europe
et
l'Orient
entre
1844
et
1845,
puis
de
nouveau
entre
1849
et
1851,
cette
fois
en
compagnie
de
Gustave
Flaubert
avec
qui
il
entretient
ensuite
une
abondante
correspondance.
C'est
au
cours
de
cette
deuxième
expédition
en
Orient
qu'il
rassemble
une
très
importante
documentation
photographique
pour
laquelle
il
utilise
la
technique
du
calotype.
Les
tirages
sur
papier
de
ses
clichés
sont
restés
d'une
excellente
qualité.
Ses
récits
de
voyages
ont
pour
titres
Souvenirs
et paysages d’Orient
(1848)
, Égypte, Nubie, Palestine, Syrie
(1852),
Le Nil, lettres sur l’Égypte et la Nubie
(1854).
En 1851, il est un des fondateurs de la
Revue de Paris
(supprimée en 1858) et est un contributeur fréquent de la
Revue des deux Mondes
.
Ami
de
Théophile
Gautier
ou
de
Baudelaire,
Maxime
Du
Camp
est
lui-même
un
écrivain
de
renom
:
il
publie
deux
grands
romans,
Mémoires
d’un
suicidé
(1853),
puis
Les
Forces
perdues
(1867),
mais
aussi
deux
recueils
de
poèmes
alors
remarqués,
Les
Chants
modernes
(1855)
et
Les
Convictions
(1858).
Il
est
l’auteur
d’un
certain
nombre
de
nouvelles
dont
les
principaux
recueils
sont
:
Les
six
aventures
(1857),
Le
Chevalier
du cœur saignant
et
L’homme au bracelet d’or
(1862),
Les Buveurs de cendres
(1866).
En
1860,
il
s'engage
comme
volontaire
auprès
de
Garibaldi
et
participe
à
l'Expédition
des
Mille.
Aux
côtés
de
Garibaldi,
il
débarque
en
Sicile
afin
de
conquérir
le
Royaume
des
Deux-Siciles,
gouverné
par
les
Bourbons.
Il
s'agit
d'un
premier
pas
vers
l'unification
de
l'Italie
alors
partagée
en une multitude de petits états. Maxime du Camp raconte ses expériences dans
Expédition des Deux-Siciles
(1861).
À
son
retour
en
France,
il
quitte
le
monde
littéraire
pour
mener
de
grandes
enquêtes
sociologiques
sur
Paris
principalement
:
Paris,
ses
organes,
ses
fonctions,
sa
vie
(1869)
en
6
volumes,
Souvenirs
de
l’année
1848
(1876)
Les
Convulsions
de
Paris
en
4
volumes
(1878),
La
charité privée à Paris
(1885),
La vertu en France
(1885) puis
Paris bienfaisant
(1888).
Il
est
élu
membre
de
l’Académie
française
en
1880,
surtout,
dit-on,
à
cause
de
son
histoire
de
la
Commune,
publiée
sous
le
titre
de
Les
Convulsions de Paris.
Ses
Souvenirs
littéraires
(2
vols.,
1882-1883)
contiennent
de
nombreux
renseignements
sur
les
auteurs
contemporains,
surtout
Gustave
Flaubert.
Il est mort le 8 février 1894 à Baden-Baden et est inhumé au cimetière Montmartre à Paris.
Mais
pourquoi
s'intéresser
particulièrement
à
Maxime
du
Camp
?
Tout
simplement
à
cause
de
ses
attaches
familiales
à
Fresnay-sur-Sarthe
et
Montreuil-le-Chétif.
Il
a
un
grand-oncle
qui
demeure
à
Fresnay,
alors
appelé
Fresnay-le-Vicomte.
Dans
ses
Souvenirs
Littéraires
(tome
1),
Maxime du Camp écrit :
«
Cet
ennui,
je
n'avais
plus
longtemps
à
le
supporter,
car
au
mois
de
juin
on
me
retira
de
pension;
j'accompagnai
ma
mère
et
ma
grand-mère,
qui
allèrent
s'installer,
jusqu'au
milieu
de
l'automne,
à
Fresnay-le-Vicomte,
chez
M.
de
Contencin,
un
de
mes
grands-oncles
dans
la
ligne
maternelle.
Sous-préfet
de
Mamers
au
moment
où
éclata
la
révolution
de
Juillet,
M.
de
Contencin
avait
reçu,
comme
tous
les
fonctionnaires
de
province,
ordre
de
surveiller
les
routes
et
de
faire
arrêter,
s'il
y
avait
lieu,
les
ministres
signataires
des
ordonnances;
il
avait
interprété
ces
instructions
d'une
façon
particulière,
car
il
s'était
immédiatement
mis
en
rapport
avec
le
comte
de
Semallé,
un
de
ses
amis,
et
n'avait
rien
négligé
pour
favoriser
la
fuite
du
prince
de
Polignac.
Il
avait
été
destitué,
ce
qui
l'avait
indigné.
Il
s'était
retiré,
boudeur
et
frondeur,
dans
une
petite
propriété
qui
touchait
aux
dernières
maisons
de
Fresnay-le-Vicomte
et
qui
dominait
le
cours
encaissé
de
la
Sarthe.
Mon
oncle
était
un
vieillard
ou
du
moins
me
paraissait
tel;
c'était
un
homme
d'infiniment
d'esprit,
d'une
instruction
étendue,
railleur,
d'humeur
inégale,
d'opinions
légitimistes
exaltées
et
que
les
paysans
appelaient
:
M.
de
Contenchien.
Au
temps
de
la
Révolution
française,
il
s'était
jeté
en
Vendée,
où
il
avait
fait
la
guerre;
il
avait
connu
Cathelineau,
Charette,
Stoffiet,
La
Rochejaquelein,
et
en
parlait
comme
de
héros.
Il
était
à
la
bataille
du
Mans;
après
la
défaite
de
l'armée
royaliste,
ou
plutôt
de
l'armée
royale,
comme
on
disait
alors,
il
s'était
enfui
dans
la
forêt
de
Sillé,
dans
les
bois de Pezé, s'était caché dans une ferme appartenant à ma famille et avait continué de faire la chasse aux Bleus.
»
Et
c’est
à
Montreuil-le-Chétif
où
sa
grand-mère
possédait
un
bien
que
Maxime
du
Camp
est
venu
séjourner
pendant
plusieurs
mois
après
avoir
passé son baccalauréat pour fuir la frénésie d'une vie parisienne dans laquelle le jeune homme se perdait. Il avait alors vingt ans.
«
Ma
grand-mère
possédait
dans
la
Sarthe,
entre
Fresnay-le-Vicomte
et
Sillé-le-Guillaume,
un
bien
patrimonial
composé
de
trois
fermes,
dont
l'une,
la
terre
de
Frémusson,
avait
prêté
son
nom
à
mes
ascendants
de
la
ligne
maternelle.
La
ferme
principale
s'appelait
Bernay,
comme
tant
de
localités
de
France
où
les
ours
ont
rôdé
jadis.
La
maison
d'habitation
était
une
commanderie
de
templiers,
manoir
de
la
fin
du
XIII
ème
siècle,
bâti
en
pierres
énormes,
muni
au
centre
d'une
tourelle
tétragone
et
caché
au
fond
des
bois
comme
un
repaire
de
brigands.
L'ancienne
chapelle
des
moines
rouges
a
été
convertie
en
grange.
Le
rez-de-chaussée
et
les
greniers
de
cette
châtellenie
rouillée
par
le
temps
formaient
le
logis
des
fermiers.
Les
propriétaires
s'étaient
réservé
la
jouissance
du
premier
étage,
composé
de
trois
vastes
chambres,
au
plafond
desquelles
les
poutres
faisaient
des
saillies
noires.
Les
cheminées
étaient
tellement
larges,
qu'elles
contenaient
des
bancs
de
pierre
abrités
sous
le
manteau
et
que
les
pluies
d'orage
éteignaient
le
feu.
C'est
là
que
je
m'installai
avec
une
vieille
paysanne
que
j'avais
prise
pour
faire
la
cuisine
et
qui
ne
savait rien de Paris, sinon que les laitières y mettent de l'eau dans le lait.
Je
vécus
là
pendant
six
mois
;
ce
fut
ma
veillée
d'armes
;
je
ne
la
trouvai
pas
trop
longue.
J'avais
de
quoi
m'occuper
et
la
lecture
ne
chômait
pas,
sans
compter
les
sonnets,
les
ballades
et
les
odes
que
je
produisais
avec
une
déplorable
facilité.
J'avais
loué
le
cheval
du
meunier
de
Fresnay-le-Vicomte;
on
me
l'avait
donné
pour
un
poney
:
c'était
une
affreuse
petite
rosse,
maigrelette
et
rabougrie,
dont
la
queue
était
absente,
dont
la
tête
était
trop
longue,
dont
les
jambes
étaient
trop
faibles.
Je
n'étais
pas
lourd
à
cette
époque,
et,
l'un
portant
l'autre,
nous
allions
loin.
Les
bois
de
Bernay,
un
simple
bouquet,
étaient
contigus
aux
bois
de
Brézé
et
à
la
forêt
de
Sillé;
il
y
avait
là
des
chemins
abrités
d'ombre,
des
futaies
de
chênes,
des
étangs
et
une
sorte
de
précipice
nommé
le
Saut-au-Cerf,
où
plus
d'une
fois
mon
cheval
et
moi
nous
sommes
tombés
de
compagnie
en
voulant
franchir
des
rochers
couverts
de
mousse.
Je
ne
m'ennuyais
pas;
souvent,
le
soir,
j'allais
dans
certaines
«
passes
»
connues
me
mettre
à
l'affût
pour
tuer
des
loups,
qui
sont
nombreux
dans
ce
pays
boisé,
alors
mal
coupé
de
routes
et
sauvage.
Dans
ces
expéditions,
j'avais
un
compagnon;
c'était
Lafleur,
un
garde
du
marquis
de
Brézé,
gars
solide,
dans
la
maisonnette
duquel
M.
de
Larochejaquelein s'était caché pendant plusieurs semaines sous le nom de Dunant après l'échauffourée vendéenne de 1852.
»
«
Ce
séjour
dans
une
ferme
perdue
au
milieu
des
bois,
loin
de
tout
contact
et
de
tout
plaisir,
ne
me
fut point inutile ;
Ami, je suis la solitude,
disait
à
Alfred
de
Musset
cet
orphelin
vêtu
de
noir
qui
lui
ressemblait
comme
un
frère.
Aux
jours
de
mon
enfance,
j'avais
désiré
vivre
dans
une
île
déserte;
il
s'en
fallait
de
peu
que
ce
vœu
ne
fût
exaucé.
»
Le
20
septembre
1846,
il
adresse
une
lettre
à
son
ami
Gustave
Flaubert,
écrite
de
sa
châtellenie
de
Bernay:
« me voilà enfin installé dans ma bauge, comme un sanglier solitaire.»
Même
si
c’est
avec
une
plume
trempée
dans
le
vitriol
qu’il
décrit
la
région,
ce
pays
sauvage
où
les
ours
ont
rôdé,
un
repaire
de
brigands…
il
reviendra
néanmoins
à
plusieurs
reprises
séjourner
à
Montreuil-le-Chétif, en son manoir de Bernay.
B.R.